1.1. Conscientisation
1.1.1. La matrice des discriminations
Ce
premier exercice vise à vous faire réfléchir sur votre situation relativement à
plusieurs discriminations qui sont interdites par la loi. Certains groupes sont
davantage susceptibles de subir des discriminations. Nous allons distinguer
trois groupes. Les groupes socialement discriminés sont ceux qui dans les
études sociologiques sont répertoriés comme plus susceptibles d’être victimes
de discriminations. Les groupes que nous appellerons socialement
privilégiés [1] sont ceux
qui pour un critère déterminé sont le plus susceptibles de ne pas être
discriminés. Nous distinguerons également des groupes intermédiaires afin de
provoquer une réflexion sur le caractère socialement construit de ces
catégories.
Cochez la case pour chaque critère à laquelle vous correspondez (n’hésitez pas à consulter les ressources indiquées en note pour vous aider) :
Exemples de critères de discrimination selon la loi | Groupes socialement privilégiés | Groupes intermédiaires | Groupes socialement discriminés |
---|---|---|---|
Socio-économiques2 | Riches | Classes moyennes | Pauvres |
Sexes3 | Hommes | Intersexes4 | Femmes |
Genres5 | Cisgenres6 | Genres non binaires7 | Transgenres8 |
Orientations sexuelles | Hétérosexuels(les) | Bisexuels(les) | Homosexuels(les) |
Handicaps | Valides | Handicaps invisibles physiques ou mentaux | Handicaps visibles physiques ou mentaux |
Ethnies, nations, prétendues races ou religions déterminées | Personnes perçues comme « françaises d’origine » | Métisses, double nationalité… | «Maghrébins», «musulmans», «noirs», «roms», «juifs»9 |
Remarque : vous pouvez vous apercevoir qu’il est très rare qu’une personne cumule tous les critères de discrimination sociale. Plus souvent, une personne peut être discriminée sur un plan et être socialement privilégiée sur un autre plan. Cela explique pourquoi il est nécessaire de se former sur les discriminations. Du fait de sa situation de privilège social, on peut être relativement aveugle aux discriminations que certaines personnes subissent ou être inconscient des discriminations que nous opérons.
1.1.2. Les positions sociales frontalières : interfrontalières et transfrontalières
Les travaux en sociologie montrent que la mobilité sociale même dans les sociétés libérales est très relative (Peugny, 2013). Les phénomènes de reproduction sociale dominent. Néanmoins, certains auteurs se sont intéressés à ce que l’on pourrait appeler à la suite de Gloria Anzaldua (2011) une sociologie et une philosophie sociale des frontières sociales.
Il existe par exemple des situations, socialement plus minoritaires, que l’on pourrait qualifier de transfrontalières où des individus franchissent les frontières sociales. Ce sont par exemple les « transclasses » (Jacquet, 2014) qui franchissent les frontières de classes sociales ou les personnes trans* qui franchissent les frontières entre les sexes. De la même manière, les procédures d’acquisition de la nationalité peuvent participer de formes de franchissement des frontières ethniques.
Néanmoins, si certaines personnes franchissent les frontières sociales, d’autres semblent vivre entre des frontières sociales. On pourrait qualifier cela de personnes ayant des positions interfrontalières. Ce sont les personnes intersexes, les personnes ayant un genre non-binaire ou encore des personnes cumulant un fort capital culturel et un faible capital économique, des personnes biculturelles ou métisses… Ces personnes ne sont pas clairement situées dans les grandes catégories sociales antagonistes qui semblent organiser la société en groupes discriminés et privilégiés. Le terme « queer » en anglais semble désigner une telle positionnalité dans la société sur le plan du genre. Une personne « queer » est une personne qui semble se situer en dehors des normes de la binéarité du genre. Cela conduit à la qualifier de « louche », de « bizarre », mots qui traduisent le terme « queer » et laissent apparaître la difficulté à situer ce type d’individus.
Néanmoins, comme nous l’avons dit, sur le plan sociologique, les situations sociales interfrontalières ou transfrontalières sont l’exception sociale, plutôt que la règle. Les individus tendent à être assignés dans des catégories sociales fixes qui les font bénéficier de privilèges sociaux ou au contraire les exposent à des risques de discriminations.
Pour aller plus loin
- Anzaldúa Gloria,
« La conscience de la Mestiza. Vers une nouvelle
conscience », Les cahiers du Cedref, 18 | 2011, 75-96.
- Jacquet
Chantal, Les Transclasses, Paris,
PUF, 2014.
- Pasquali
Paul, Franchir les frontières sociales,
Paris, Fayard, 2014.
- Peugny
Camille, Le Destin au berceau, Paris,
Seuil, 2013.
- Preciado
Paul B., Testo-junkie, Paris,
Grasset, 2008.
- Santos, Boaventura de Sousa (2002), « Entre Próspero e
Caliban: colonialismo, pós-colonialismo e inter-identidade », in Ramalho,
Maria Irene e Ribeiro, António Sousa (org.), Entre ser e estar. Raízes,
percursos e discursos da identidade. Porto: Edições Afrontamento.
- Santos, Boaventura de Sousa (1985), « Estado e Sociedade na Semiperiferia do Sistema Mundial: o
Caso Português », Análise Social,
87/88/89, 869-901.
[1] Cette notion de « privilège sociale » est empruntée à la chercheuse nord-américaine Peggy McIntoch (voir la partie « Connaissance » des discriminations.
[2] « Riches, pauvres, classes moyennes : comment se situer », Observatoire des inégalités, 2016.
[4] L’intersexuation désigne selon l’Association de personnes intersexes, Orfeo : « Aussi appelée “hermaphrodisme” ou “ambiguïté sexuelle”, l’intersexuation est une variation du développement sexuel. C’est-à-dire que les organes génitaux de la personne ne correspondent pas aux standards mâle et femelle ».
[7] Personne dont le genre est à la fois masculin et féminin, par exemple personne qui a une allure androgyne.